Jease Costa de Moraes nous parle de l’Église « réellement » triomphante. Jease est professeur en théologie, auteur de plusieurs livres, pasteur et aujourd’hui missionnaire en France en région parisienne.
« Que Dieu soit remercié, lui qui nous fait toujours triompher en Christ et qui propage partout, à travers nous, le parfum de sa connaissance! 15Nous sommes en effet pour Dieu la bonne odeur de Christ parmi ceux qui sont sauvés et parmi ceux qui périssent: 16pour les uns, un parfum de mort qui donne la mort, pour les autres, un parfum de vie qui donne la vie. – Et pour cette mission, qui donc est qualifié? – 17En effet, nous ne falsifions pas la parole de Dieu, comme le font les autres, mais c’est avec pureté, c’est de la part de Dieu, en Christ et devant Dieu que nous parlons. »
Société Biblique de Genève (Éd.). (2007). La Bible Segond 21 (2Corinthiens 2.14–17). Romanel-sur-Lausanne.
Au fil des années, de nombreux ouvrages concernant la manière dont l’Église peut-être éminente et triomphante dans un monde qui présente de grands défis ont déjà été publiés. Cependant, malgré tout cet investissement pour définir ou redéfinir l’être et la présence de l’Église dans le monde, nous avons certainement encore du chemin pour être ce qui est attendu de nous en tant qu’Églises du Seigneur. Il y a encore de l’espace pour que nous repensions nos voies et nos concepts en rapport avec nous-mêmes et ce que nous sommes appelés à être.
Assurément, nous avons le désir d’être une Église importante pour notre temps, une Église qui influence profondément son contexte historique avec la vérité de l’Évangile. Une Église qui soit un havre de paix pour la société du XXIe siècle, qui offre une référence positive par son existence et redonne de l’espérance pour la vie.
Nous avons besoin d’être ce que Dieu attend de nous en tant qu’Église qui triomphe devant un monde qui succombe face à un intellectualisme souvent vide, sceptique, face à l’absence de perspectives et au désintérêt pour les valeurs de l’Évangile qui caractérisent le monde post-moderne. Que le monde y croie ou pas, l’Église est la seule organisation au monde qui porte le message qui peut redéfinir la direction de la vie de l’homme.
Cela dit, quelles sont les marques qui définissent une Église triomphante?
Je pense que la seconde lettre de Paul à l’Église de Corinthe nous donne une réponse sûre à cette question. Au second chapitre, l’apôtre Paul, après avoir parlé de son inconfort de ne pas avoir trouvé Tite lors de son passage à Troas, fait une déclaration importante par laquelle il révèle les éléments capables de faire de son ministère ou de celui de l’Église un ministère triomphant dans quelque situation que ce soit.
1. L’Église triomphante est celle sur laquelle Dieu triomphe par Christ (2.14)
Une Église sur laquelle Dieu triomphe ? C’est bien vers cela que nous conduit le sens des mots et le contexte. Souvent, ce texte est traduit comme si Paul était en train de dire que nous sommes ceux qui triomphent, et que Dieu va nous conduire dans ce triomphe. Plusieurs versions bibliques traduisent ainsi : « Que Dieu soit loué, c’est Lui qui nous fait toujours triompher en Christ ». Cependant, la construction de la phrase dans l’original pousse à penser que la forme la plus adéquate pour traduire ce texte est : « Dieu soit loué, Lui qui, de façon triomphante, nous conduira toujours en Christ ». La différence entre les deux versions est que dans la première nous sommes ceux qui triomphent pendant que Dieu nous conduit, alors que dans la seconde c’est avant tout Dieu qui triomphe. L’idée est qu’Il triomphe sur nous et va nous conduire de façon triomphante. L’image que l’apôtre Paul a en tête est celle du général romain qui revenait de la guerre en conduisant de manière triomphante les adversaires devenus captifs. Ce n’est pas l’armée capturée qui triomphait, mais le général. C’est cette réalité que l’apôtre Paul applique à lui-même et à l’Église. L’Église triomphante est celle sur laquelle Dieu triomphe par Christ. Nous qui étions ennemis de Dieu (Rm 5.10), nous ne sommes pas les généraux triomphants mais l’armée capturée par Christ.
Certes Paul, dans sa lettre à l’Église de Rome (Rm 8.37), dit que « nous sommes plus que vainqueurs ». Mais ici le contexte est différent. Il se réfère à la position du chrétien devant des situations de privations, de persécutions et de souffrances, en disant que même si tout démontre le contraire, la position du chrétien est toujours celle de la victoire grâce à l’amour de Christ.
Cependant dans la seconde lettre à l’Église de Corinthe, Paul se réfère à la position du chrétien et de l’Église devant Dieu. Dieu n’est pas serviteur de l’Église, ni assurément de ses pasteurs et responsables. La position de Dieu n’est pas celle d’assujettissement ou de soumission mais de seigneurie et de domination. Il a dominé l’Église par le moyen de Christ, et ainsi, nous conduit de façon triomphante. Et à partir de cette compréhension, l’Église doit lui assujettir sa vie, ses plans ses rêves ses méthodes d’action. Tout doit lui être soumis parce que « tout vient de Lui, tout existe par Lui et pour Lui. À Dieu soit la gloire pour toujours ! Amen ! » (Rm 11.36).
Aujourd’hui, beaucoup plus que des Églises riches et numériquement parlant grandes, ce dont le monde a le plus besoin est d’Églises sur lesquelles Dieu triomphe. Voulons nous être une Église triomphante ? Alors, que Dieu nous domine, qu’il triomphe sur nous. Que jamais nous ne cherchions à assumer la position de celui qui commande. Cela reviendrait usurper la place qui appartient à notre Seigneur. Il faut que nous soumettions tout ce que nous sommes et avons à Dieu. Qu’il triomphe sur nous.
2. L’Église triomphante vit pour révéler la personne de Jésus (2.14-16)
L’image du général romain qui vient conduire l’armée capturée prévaut encore ici dans la seconde partie du verset 14 jusqu’au verset 16. Cependant, l’Église dans l’esprit de Paul passe maintenant de l’image de l’armée capturée à celle du « parfum du Christ ». Paul dit que Dieu, par notre intermédiaire, répand partout une fragrance de connaissance de Jésus « car nous sommes pour Dieu un parfum de bonne odeur du Christ » (2.15).
Quand un général gagnait une bataille, un messager se chargeait d’apporter la nouvelle à Rome et la ville se préparait à recevoir le général victorieux qui était en chemin. Une pratique commune utilisée pour l’accueillir consistait à faire monter de l’encens aromatique dans les rues de Rome. De cette manière, lorsqu’un citoyen romain respirait le parfum de l’encens, il savait que le général victorieux arrivait. Le but de l’encens n’était pas de dire l’arrivée de l’armée vaincue, mais d’annoncer la venue du général vainqueur.
Cette image du parfum a une extrême importance pour une Église qui a l’intention d’accomplir son rôle correctement dans le monde et d’assurer sa condition d’Église triomphante. Le rôle de l’Église n’est pas de se révéler elle-même, son rôle n’est pas non plus de révéler au monde sa force et son pouvoir personnel. Ce n’est pas non plus de faire valoir au monde son influence politique et sa capacité économique. Non ! Le rôle de l’Église dans le monde est de révéler la personne de Jésus. Nous sommes le parfum de la connaissance de Christ. Ce n’est pas le nom du responsable de l’Église qui importe pour que le monde le connaisse, ce n’est pas la célébrité du pasteur ni celle des membres de l’Église ou quelque autre chose quelconque de ce genre. Ce qui importe c’est qu’ils connaissent le nom de Jésus et le message de la Croix, qui est « odeur de vie pour ceux qui croient et odeur de mort pour ceux qui ne croient pas ». Une Église éminente dans le monde n’est pas intimidée quant à l’accomplissement de son rôle qui est de refléter dans sa vie la personne de Jésus, même si elle rencontre des oppositions, même si son message à l’air fou devant les règles de l’intellectualisme ou un scandale devant les idées du paganisme.
Nous vivons dans un temps d’une certaine obscurité spirituelle, même parfois parmi ceux qui affirment croire à l’Évangile et dont certains vivent sans véritable engagement dans la vie que le Christ demande de son Église. Évidemment il y a des Églises absolument engagées dans la vie de l’Évangile. Mais nous ne pouvons nier qu’en terme de témoignage chrétien authentique, nous ne vivons pas un moment durant lequel nous pouvons être fiers de tout ce qui se fait au nom du christianisme. Le parfum que nous avons dégagé a trop souvent compromis la connaissance de Jésus dans le monde. Notre vie est pourtant appelée à être le parfum le plus efficace de la personne de Jésus. Nous avons en permanence besoin d’un retour à notre engagement vigoureux avec le Royaume de Dieu, de manière à ce que notre présence dans le monde soit cohérente avec une juste image de Jésus.
Une Église triomphante est une Église viscéralement engagée dans sa mission de refléter dans le monde la connaissance de Jésus.
3. L’Église triomphante ne négocie pas avec la vérité (2.17)
Dans les temps de l’Église primitive les prédicateurs de l’Évangile jouissaient de beaucoup de respect et de prestige de la part des chrétiens, et il était commun que les Églises reçoivent divers prédicateurs itinérants. Ce fait avait un côté positif car un grand nombre de prédicateurs contribuaient à la dissémination de l’Évangile dans de nombreuses parties du monde. Néanmoins, cette situation avait un revers négatif. Ainsi, les premières Églises du Nouveau Testament ont vu l’apparition de « mercenaires de la Parole ». C’est à dire des prédicateurs qui utilisaient le prestige que leurs prédications leur apportaient pour tirer des avantages de l’Église, principalement financiers. Ce cas est devenu tellement préoccupant que la Didachè, l’un des tout premiers documents du christianisme en dehors de la Bible, texte sur l’orientation doctrinale et pratique de l’Église, expliquait notamment comment discerner si un prédicateur était un vrai homme de Dieu ou s’il était un mercenaire de la Parole.
Une méthode très utilisée par les mercenaires de la Parole était l’accommodement de la vérité de l’Évangile pour offrir une prédication plus à même de plaire et de leur valoir de bonnes rémunérations. Ainsi, tant le but de ces prédications que leur contenu étaient compromis et détournés. Ils n’étaient pas loyaux envers la Parole de Dieu et il prêchaient en voulant faire du profit.
Si une Église veut être approuvée par Christ et véritablement triomphante, elle a besoin de réfléchir en profondeur sa relation avec la prédication. Une Église triomphante est celle qui reste loyale envers la Parole, qui ne détourne pas son but et qui n’est pas adultère par rapport à son contenu. Le but de la prédication n’est pas de susciter quelque profit que ce soit pour l’Église, mais exclusivement de conduire des hommes et des femmes à Dieu en prêchant, comme le dit Paul, « devant Dieu avec sincérité comme des hommes envoyés par Dieu ».
Le Brésil est un pays dans lequel il y a beaucoup d’Églises, et chaque jour de nouvelles communautés sont mises en place. En accord avec l’Institut Brésilien de Géographie et de Statistiques (IBGS), aujourd’hui 22,2% de la population se dit évangélique, ce qui représente approximativement 42,3 millions de brésiliens, dans une population où le catholicisme compte encore aujourd’hui environ environ 123 millions d’adeptes. Dans les 10 dernières années la population évangélique au Brésil a augmenté de 61% et il se pourrait que d’ici quelques années les évangéliques soient une majorité au Brésil. Le fait est que nous devons d’abord nous réjouir de cette augmentation du nombre des évangéliques au Brésil. Mais le problème est que beaucoup de ces Églises grandissent en résultat d’une prédication sans correspondance réelle et profonde avec l’Évangile. Il y a beaucoup d’Églises remplies de gens vides de Dieu, dont la relation avec l’Évangile est faussée, des personnes qui recherchent les bénéfices de l’Évangile mais ne veulent pas de ses exigences. Un de mes amis pasteur m’a parfois dit : « Veux-tu voir ton Église grandir ici au Brésil ? C’est facile. Prêche ce que le peuple veut entendre ». C’est ce qui se passe. Beaucoup de pasteurs, par envie de voir leurs Églises grandir numériquement, parlent afin de conquérir les plus grands prestiges et les meilleures rémunérations financières, renoncent à leur loyauté envers la Parole, et agissent comme des mercenaires en négociant ainsi avec la vérité.
Une Église triomphante triomphe par le biais de la Parole. Elle est loyale envers la prédication, avec des pasteurs ardemment engagés envers les vraies valeurs du Royaume, sans négocier avec la Parole de Dieu, impliqués dans la vérité, en prêchant avec sincérité devant Dieu. Une Église triomphante n’a pas pour préoccupation majeure de plaire au monde avec sa prédication. En fait, sa préoccupation majeure est d’être fidèle à celui qui l’a appelée.
Qui triomphera ?
Il y a devant nous beaucoup de questions importantes. Qu’est-ce que l’Église veut être ? Quel est notre vision d’une Église qui a du succès ? Quel héritage laisserons nous aux générations futures ? Quel est notre but principal dans l’accomplissement de notre mission dans le monde ?
Voulons-nous être une Église triomphante ? Alors, acceptons les valeurs enseignées par l’apôtre Paul dans cette lettre aux Corinthiens. Que Christ domine sur nous, que notre vie répande le bon parfum du Christ, et que nous soyons loyaux envers la Parole. Ne négocions pas notre prédication, mais parlons avec sincérité devant Dieu et les hommes, comme des hommes envoyés par Lui. Si d’une quelconque manière notre Église pourra être triomphante, ce n’est que dans la mesure où elle se laissera associer au triomphe de Christ, à sa juste place. Et alors certainement, le nom de Jésus sera glorifié, Christ sera connu et d’autres le verront et se donneront à Lui, car l’Évangile est la puissance de Dieu pour le Salut de tout ceux qui croient (Rm 1.16).
"Des vies transformées" 